La-Tribune Economique (BH Bank) – Officiellement, il y a trois grands actionnaires à la BH Bank qui essaie de se débarrasser de cette image d’une banque de l’habitat, et cible désormais même l’agriculture, comme le voudrait le nouveau DG Wajdi Koubaa que nous avons rencontré.
Il s’agit, d’abord, de l’Etat tunisien avec 33,37 %, et ensuite de l’Etap qui est l’opérateur exclusif du secteur pétrolier en Tunisie, avec 16,57 % et donc l’Etat.
Chez la BH Bank, dont on cite volontiers le bel exemple de partenariat public-privé, le premier et le plus grand actionnaire privé est le groupe Horchani, avec 22,41 % du capital. Mais dans le conseil d’administration, on retrouve au moins trois autres grands privés de renom, qui sont le groupe de Habib Miled, celui d’Ahmed Trabelsi, et celui de Sadok Driss.
En tout et pour tout, le secteur privé détenait 44,4 % dans le capital de cette banque publique, ce qui devrait lui donner un poids considérable dans la décision, et à plus forte raison en matière de gouvernance.
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Chronologie d’une querelle Public/Privé
Or au départ de l’ancien DG parti pour la Banque de Tunisie, le conseil d’administration s’est déchiré pour la nomination de son remplaçant, qui devait se faire par le ministère tunisien des Finances. Ce dernier avait lancé un concours pour en choisir un, à travers un comité incorporant des membres du ministère des finances et des personnalités indépendantes.
Nous vous relatons, donc, la reconstitution chronologique des évènements qui ont abouti à la nomination de Wajdi Koubaa, telle que nous avons pu l’opérer, au jour près, auprès de plus d’un membre du CA, publics et privés, de la BH Bank.
La querelle entre actionnaires publics et privés sur la personne à qui confier la BH Bank après le départ de Hechmi Rebai pour la BT, a commencé tout de suite après les entretiens avec les 3 premiers short-listés, durant la période du 28 au 31 octobre 2022.
Le 1/11/2022, les 5 membres privés du Conseil ont envoyé le PV des entretiens à la DG des Participations (elle y a assisté) où ils rejettent les 2 premières candidatures dont Wajdi Koubaa.
Le 11 novembre 2022, et sans annoncer quoi que ce soit sur son site Internet où il avait pourtant publié l’appel à candidatures, le ministère des finances (MF) informe Ahmed Trabelsi, un des membres privés du conseil d’administrations de la banque, de SON choix de Koubaa, qui aurait été le même jour avisé de son choix pour le poste de DG.
Le 29 novembre 2022, deux actionnaires privés, membres du CA de la BH Bank, adressaient un courrier au ministère des Finances, signifiant leur refus du choix du MF.
Et dès le lendemain, le 30 novembre 2022, les mêmes deux actionnaires privés, par ailleurs à la tête du comité exécutif du Crédit (On y reviendra), avisaient le CA de la situation. Ils lui disaient que 50 dossiers ont été reçus et 3 ont été short-listés, 2 ont été jugés « non convaincus » et qu’ils auraient demandé de passer au reste de la short-list, où leur choix (celui des membres privés du CA) s’était porté sur le 3ème candidat. « La DG des PP a refusé notre choix. Nous avons essayé de négocier. Soit passer aux 9 suivants, soit nous choisissons les classés 3 et 4 parmi les 9 restants, le ministère en prendra un. Fin de non-recevoir. Nous avons évité la confrontation, mais nous sommes inquiets pour l’avenir de la banque », nous dira l’un d’eux qui a requis l’anonymat pour se prémunir contre toute punition, et qui n’en dira pas plus. Un autre membre du CA, qui a aussi requis l’anonymat pour les mêmes raisons, nous dira que « le ministère a eu 2 avis favorables, qu’on ne nommera pas, sur le candidat, la cheffe du gouvernement l’a choisi, point final ».
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Artifice du MF, ou nomination à la régulière ?
Ce 30.11.2022, le CA prenait alors la décision, après 4 heures de discussion, d’ajourner la question qui était à l’ordre du jour, et relative au choix du nouveau DG, pour une prochaine réunion pour le 19 décembre 2022, en refusant, à l’unanimité moins une voix, le candidat du MF. Pourtant signé par tous les administrateurs et membres du CA, le PV de la réunion a été refusé d’enregistrement par la recette des finances (dépendant du MF).
Le 16 décembre 2022, le CA reçoit invitation pour une réunion du CA, à l’ordre du jour duquel figureront 3 nouveaux points. Le 1er pour fin de mission d’un membre du CA de l’actionnaire public, le 2ème relatif à la nomination de deux remplaçants, le 3ème portant sur la désignation de Wajdi Koubaa comme nouveau DG de la BH. Ces renvois et nominations ont été annoncés par courrier du MF, le même jour (16.12.2022) au CA de la BH Bank.
Le 19.12.2022, le CA de la BH Bank refusait, encore une fois, le candidat du MF. Le PV, signé par le nouveau président et les membres concernés, sera accepté à l’enregistrement de la recette des finances, sous le numéro « 228.04188 »
Le 23.12.2022, le CA de la BH Bank reçoit une convocation pour une réunion le 26 décembre. Y figurait le point litigieux de la nomination du DG. Mais aussi, comme l’ont compris certains membres à qui nous avons parlé, une menace de convoquer une AGE pour refaire le CA.
Le 26.12.2022, Rached Horchani et Habib Miled, deux membres du CA, décident de démissionner, et le CA n’arrive toujours pas à prendre une décision sur la question du nouveau DG.
Le 6 janvier 2023. Nouvelle réunion du CA en présence de 9 membres, où le point d’ordre du jour concernant le DG n’existait pas. Deux membres du CA quittent la réunion avant sa fin, après en avoir informé le président du CA. Une fois sortis, le point d’ordre du jour du DG est réintégré sur décision du président du CA, et la nomination de Wajdi Koubaa fut acquise par 5 voix publiques contre 2 privées.
Le 6.1.2023 aussi, le CA de la BH Bank décidait la dissolution du Comité Exécutif de Crédit. Une première dans le paysage bancaire tunisien, où le CEC est généralement en 2ème position après l’Audit. Le tout dans un Etat où, pour toute administration, un marché dépassant les 200 mille DT doit pourtant passer par la haute commission des marchés !
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Koubaa dit haut et fort son indépendance
Interviewé par Africanmanager à ce propos (ar), le nouveau DG de la BH Bank a confirmé qu’il avait été « choisi après avoir déposé sa candidature au ministère tunisien des Finances, après que celui-ci a lancé un appel à candidatures pour le choix d’un DG, et qu’il lui avait fait passer des épreuves orales devant une commission d’experts, tout en leur fournissant un dossier en rapport avec sa vision et ses aspirations pour la banque ».
Wajdi Koubaa, à qui personne ne pourrait en vouloir d’accepter un tel poste dans une banque de renom, a déclaré que « sa nomination n’était soutenue par personne », qu’il est « un candidat indépendant et n’appartient à aucune partie, publique ou privée », niant l’existence de toute relation particulière avec une quelconque partie du ministère des Finances.
En réponse à notre question sur la polémique liée au refus des représentants du secteur privé de sa personne, Koubaa a expliqué qu’il « ne comprend pas vraiment ce refus, d’autant moins qu’il ne représente aucune partie », soulignant que « les futurs résultats positifs de la banque changeront leur avis ».
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Le syndicat disait depuis le 22 décembre « son inquiétude »
Pour le syndicat de la banque « la BH Bank se retrouve le théâtre de tiraillements, où certaines parties font prévaloir leurs intérêts propres au détriment de l’intérêt général socioéconomique, et cela par une tentative de faire passer une personne qui n’a pas su faire preuve de compétence, pour préserver la fonction qu’il occupait dans une banque privée, et ne fait pas l’unanimité autour de lui », disait un commun communiqué du syndicat UGTT de la banque, en date du 22 décembre 2022.
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La question des crédits, au cœur de « l’affaire BH » ?
Entretemps, décision avait été prise de supprimer le poste de CEC (Comité exécutif du crédit), dans lequel siégeaient Rached Horchani et Habib Miled, et décidait des crédits court et moyen-terme, sous le prétexte que la question des crédits ne fait pas partie des prérogatives du CA. Or, selon l’article 23, alinéa 2 des statuts de la BH Bank, le Comité Exécutif du Crédit est une émanation du Conseil comme les autres Comités, et a donc toujours existé.
Selon les membres privés du CA que nous avons pu entendre, la véritable cause de tout ce raffut pour la nomination du DG de la BH Bank résiderait dans cette question du crédit pour financer le budget, centrale pour un ministère des Finances qui avait déjà changé le DG d’une autre banque publique qui avait fait prévaloir l’importance de maintenir les ratios de la banque à un niveau réglementaire par rapport aux besoins de crédits de l’Etat, son actionnaire majoritaire.
Or, l’ancien CEC aurait montré beaucoup de réticences à donner des crédits à l’Etat majoritaire dans la BH Bank, pour le même souci de maintenir les ratios de la banque à des niveaux réguliers, comme avait essayé de le faire l’ancien DG de la STB.
Rappelons par ailleurs, à propos de ce sujet des crédits à l’Etat, que le nouveau DG de la BH Bank, avait déjà affirmé dans notre dernier entretien publié en arabe sur nos colonnes, son souci de travailler dans le respect des réglementations en cours, et notamment en matière de respect des ratios de la banque, sans pour autant faillir au respect de financement de l’économie et des besoins économiques du pays. « Le financement par la banque des entreprises publiques ou des achats de l’État est considéré comme un devoir pour tous les acteurs bancaires du pays, mais sans affecter sa situation ou ses résultats financiers », avait ainsi précisé Koubaa.