La-Tribune Economique (BH Bank) – La volonté du ministère des Finances de faire passer en force son candidat au poste de directeur général de la banque soulève le spectre de la mainmise et des manœuvres des autorités pour arriver à leur but.
Un fait d’autant plus troublant que le conflit est désormais suivi de plus près par les créanciers internationaux et les agences de notation mettant en question l’efficacité du partenariat public-privé dans la gestion d’une grande institution bancaire comme BH Bank alors que la Tunisie est appelée à développer des arguments solides pour transformer des dizaines de projets en PPP.
Clairement, ce qui est en train de se passer à la banque porte préjudice à son image pourtant BH Bank est considérée, à ce jour, comme un parfait exemple de partenariat public-privé avec des performances qui témoignent de cette réalité.
Comment en est-on arrivé là ?
Après un processus qui a duré plus de trois mois pour le choix d’un nouveau directeur général de la BH Bank après le départ de M. Hichem REBAI, le ministère des Finances a présenté son candidat retenu au Conseil d’administration de la banque qui l’a rejeté à deux reprises à la majorité de 7 voix contre 5 lors des réunions tenues le 30 novembre et le 16 décembre 2022.
Suite à ce rejet, le ministère des Finances a voulu passer en force en menaçant de convoquer une Assemblée Générale Ordinaire pour dissoudre le Conseil et le recomposer au détriment des privés afin d’imposer la nomination de son candidat à la tête de la banque.
Eu égard à cette situation et suite aux menaces et le passage en force pour la nomination du candidat du ministère des Finances, trois administrateurs privés ont présenté leur démission au Président du Conseil d’administration par intérim, M. Mehdi MEJDOUB.
Il s’agit de MM. Rached HORCHANI, Habib MILED et Hammouda BELKHOUJA, soit les membres composant le Comité exécutif de crédit chargé d’émettre son avis au Conseil d’Administration, à partir d’un certain seuil (15 millions de dinars), sur certaines catégories de crédits, financements ou engagements.
Des aberrations flagrantes
Indépendamment du degré d’adéquation des compétences du candidat sélectionné, le fait que le ministère des Finances s’attache à son choix, bien que la proposition ait été rejetée à deux reprises à la majorité, est bel et bien une aberration, surtout que le candidat n’a pas pu convaincre les administrateurs privés lors d’un entretien tenu avant la réunion du Conseil du 30 novembre dernier.
De plus, le fait que le ministère ignore les décisions légales déjà prises lors des deux réunions et menace même de dissoudre le Conseil, est aussi une aberration, voire une manœuvre dolosive pour faire passer en force son candidat.
Dans ce sens, nous avons appris que la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a demandé les PV des dernières réunions du Conseil d’administration de la banque et ce, après la démission des deux administrateurs privés. Certainement, l’institution d’émission aura son mot à dire dans ce sujet surtout qu’elle sait pertinemment que les agences de notation internationales sont en train de suivre de près le dossier.
L’entêtement n’arrange personne
Sans doute, la situation que connait actuellement la BH Bank n’arrange ni le ministère des Finances ni les actionnaires privés et risque de causer d’éventuels blocages au niveau de la prise de décisions stratégiques avec un Directeur général et un Président de Conseil intérimaires avec des prérogatives restreintes.
Si le ministère des Finances veut vraiment en finir avec cette situation, rien ne l’empêche de proposer au Conseil de la banque une nouvelle lite de trois candidats, du moins, parmi ceux retenus dans la liste des 12 candidats sélectionnés qu’elle a arrêtée à l’issue de son processus de choix.
Enfin, nous espérons que la réunion du Conseil d’administration, prévue dans les heures qui viennent, mettra fin à cette crise à travers une solution qui arrangera les actionnaires privés et publics afin de conserver cette image de bel exemple de partenariat public-privé.